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Samuel Nadeau, au nom de ma mere…

Bonjour Samuel, présente-toi en quelques mots ?
Bonjour, je suis Samuel Nadeau 31ans, Sarcellois de coeur, éducateur sportif à l’heure actuelle, et ancien basketteur pro, mais basketteur dans l’âme aujourd’hui, hier, demain et pour toujours…

En tant qu’ancien basketteur pro passé par des clubs aussi prestigieux que le Real de Madrid ou encore Limoges, explique-nous à quel moment tu as pris conscience de ton potentiel, as-tu eu un déclic ?
J’ai eu ce fameux déclic en 1996 en constatant que de Sarcelles j’avais atteint les pré sélection de l’équipe de France, cela m’a donné confiance en moi.Un an avant j’ai croisé le basketteur Thierry Zig qui m’a beaucoup conseillé, et j’ai su alors en intégrant le centre de formation de Levallois en cadet que j’avais fait une bonne partie du chemin.

Ta carrière a été jalonnée de succès et d’échecs qui ont forgé ton mental de sportif et en tant qu’individu, pourrais-tu nous en parler ?
Ma carrière, comme j’aime le dire aux gens a plutôt été une carrière d’étoile filante, je n’appelle même pas ça une carrière à proprement dit mais un passage éclair dans le milieu du basket professionnel, et pas forcement pour les bonnes raisons. Le basket était un objectif que je mettais mis en tête pour aider ma mère qui se retrouvait dans une situation financière difficile. Cependant mon amour de ce sport depuis tout petit m’a permis d’entretenir l’espoir d’une carrière pro. Mon objectif était d’arriver le plus loin possible et de jouer dans la meilleure ligue du monde qu’était la NBA, je n’ai jamais rêvé de Pro A ou d’autres ligues mineures… Je voulais arriver le plus loin possible pour sortir ma mère de la galère grâce à ma passion.

En 2000, tu es en high school aux Etats-Unis et tu tournes à 28 points de moyenne… Tu es alors courtisé par toutes les meilleures universités américaines, mais tu décides contre toute attente de tourner le dos au basket pour revenir en France t’occuper de ta mère malade, avec le recul, prendrais-tu aujourd’hui la même décision ?
Beaucoup de personnes m’ont déjà posé cette question, que je trouve assez marrante… Pour ma mère je ferais n’importe quoi, hier, aujourd’hui ou demain. Ma mère c’est tout pour moi, alors à cette question, je répond oui avec un large sourire…

Il est vrai que mon passage aux Etats-Unis m’a révélé, c’était les plus belles années sportivement parlant, je laissais mon jeu parler pour moi, je me suis senti accepté et compris. Pas comme en France. Il faut dire aussi que les portes de la NBA avait de grand chance de s’ouvrir devant moi, les grandes universités étaient prêtes à m’accueillir, elles m’écrivaient tous les jours. Mais le fait que j’apprenne que ma mère, la personne qui m’est la plus chère au monde, en plus de ses galères financières soit atteinte d’une maladie incurable, a tout fait basculer pour moi. Tout ce qui m’intéressait c’était l’instant présent, de passer du temps avec elle et de l’aider à sortir de la galère et à réaliser ses rêves avant que sa dernière heure ne survienne. Aujourd’hui encore je prendrais la même décision sans hésiter, même si je sais qu’on pouvait me garantir la NBA pendant un an. Mais pour moi, la santé de ma mère passe avant tout autre chose….

Ton retour en Europe dans le monde du basket Pro ne se fait pas sans heurts, on a l’impression que tu n’arrivais pas à t’adapter ou à te faire accepter à ta juste valeur ? Pourrais-tu donner ton sentiment sur cette période de ta vie ?
Dans le milieu pro, j’ai appris des vérités fondamentales, entre autres que c’est un monde « professionnel » ; moi j’étais un fan de basket, pour moi le plus méritant devait être sur le terrain. Mais ce n’est pas si simple… Pour exemple, mon arrivée en 2000 au Real Madrid basket fut confuse : je suis signé mais je ne fais pas partie des plans du coach et je suis privé de temps de jeu tout simplement. Alors au bout de la troisième année, j’ai décidé de rompre mon contrat de 5 ans car j’étais frustré de ne pas pouvoir m’exprimer sur le terrain. J’étais un peu dégoûté du jeu car j’avais le niveau mais on ne me donnait pas ma chance. Il faut dire que la situation du club était compliqué et que j’étais jeune aussi. J’ai signé alors à Limoges mais l’expérience fut brève, ce qui devait être un challenge s’est vite transformé pour moi en un retour en arrière. De toutes façons, j’avais atteint mes objectif qui étaient de soulager ma mère financièrement, de la rendre heureuse, et ne rien devoir à personne.

C’est à ce moment que le club de Vichy est venu me chercher en me disant que j’avais encore le niveau. Ca je le savais mais ma quête était d’être heureux en jouant car je n’avais jamais rêvé de jouer en pro A… Malgré mes performances de pré saison, je ne jouais toujours pas en début de la saison régulière. Le premier match que j’ai joué en tant que titulaire, j’ai marqué 14 points et réalisé ce que mon entraineur attendait de moi avec une victoire, la je me suis dis ok, je rêve pas, j’ai le niveau et on est dans la réalité, le coach m’a fait joué, j’ai fait mon job et on gagne. Mais encore une fois je n’ai pas eu le retour escompté de la part de mon entraîneur. Il a fait ses choix que je fus en quelque sorte forcé de respecter. Au bout de la deuxième saison, même en me donnant à fond je ne faisais toujours pas partie des plans du nouveau coach, alors je me suis dit que j’aimais le basket mais avant tout que j’avais le respect de moi-même et que je pouvais plus encaisser des mensonges ou des réponses évasives quand à mon apport pour l’équipe. Je ne prenais plus de plaisir, alors j’ai préféré quitter ce milieu. De toutes façons, comme je l’ai déjà dit, la pro A ne m’avait jamais fait rêver, c’était donc comme une confirmation, un signe… Alors j’ai pris la décision de rentrer chez moi et de mettre le basket entre parenthèses…

Cites nous les deux meilleurs moments de ta carrière sportive ?
Le 10 Janvier 2000 à Philadelphie, ce soir-là je n’aurais pas dû jouer car j’étais grippé. Mais une fois sur le terrain, je me mets à tirer de tous les cotés du terrain et à ma grande surprise, tous mes shoots rentrent… je me sens bien, je vis un momentum, tout le monde me regarde et mon co-équipier de l’époque, Yohann Sangaré, vient me voir en me disant « Samuel continue, tu vas battre le record de points de l’école, c’est incroyable ce que tu fais ». Il m’annonce que j’ai déjà marqué 55 points et là je prends conscience de mon énorme performance, j’efface l’ancien record des tablettes de l’école en scorant 61 points en 32 minutes ce qui n’est pas rien… Mais je pense que ce jour-là je pouvais même en marquer bien plus que ça…

L’autre souvenir c’est un match en 2007 que je jouais avec Sarcelles qui était alors en N3, et on jouait la montée en N2 contre l’équipe de Rueil qu’on avait battu de 25 points chez eux. Mais ils étaient capables de nous battre de 25 points aussi chez nous. C’était vraiment un match spécial car je voulait offrir à Sarcelles la montée en N2 tant désirée et méritée depuis plusieurs années, cela me tenait vraiment à coeur. Je me mets alors en mode mission et je suis dans un état de grâce, je marque une quarantaine de points, on perd le match mais grâce à notre bon goal average on accède quand même à la N2. Ce n’était pas la première ni la dernière fois que je marquais autant de points, mais au-delà de mon apport au scoring, c’est un effort collectif d’équipe qui nous a permis d’y croire jusqu’au bout. J’ai adoré ce moment.

Au cour de ta carrière, certains sportifs comme Claude Makélélé, Zidane ou encore Babacar Sy ont à un moment croisé ta route en t’aiguillant ou en t’offrant leur amitié dans les moments difficiles, pourrais-tu nous en dire plus ?
Babacar Sy est celui que j’ai rencontré en premier, même si il n’a pas été le premier à m’aiguiller, Thierry Zig a eu ce rôle tout d’abord et ensuite Babacar est entré dans ma vie. Pour moi il fut comme un ange envoyé des cieux, parce que il n’attendait rien en retour, il faisait tout, juste avec le cœur, il a toujours été là pour moi, pour m’aider et me conseiller, je lui dois beaucoup dans mon parcours professionnel. En ce qui concerne Claude Makélélé, c’est mon cousin, le frère de Nicolas Anelka, qui me le présente à son arrivée au Real Madrid et depuis on ne s’est jamais lâchés, il m’a toujours soutenu car lui aussi a vécu une carrière avec des hauts et des bas, c’est un homme d’expérience et de cœur que j’ai souvent écouté. Je le considère comme mon frère, encore aujourd’hui nous avons gardé une relation de très grande complicité. En ce qui concerne Zidane, je l’ai toujours considéré comme un parrain à l’époque du Real Madrid, et aujourd’hui encore il est de bon conseil. Par ailleurs, son père a été l’un des premiers hommes à me toucher sincèrement quand je vivais un grand moment de frustration avec le Real. Je lui suis encore redevable d’avoir su trouver les bons mots pour m’expliquer subtilement mais avec force que mon parcours était en soi une réussite, que de là où je venais, et là où j’étais arrivé, j’avais presque tout réalisé, et qu’il me suffisait juste d’être patient… Ces mots avaient pour moi une vraie valeur, à demi mots, je sentais parler toute l’histoire d’un homme, son expérience et son vécu. J’ai compris en cotoyant Zidane comment son père était partie prenante dans sa réussite.

Depuis 6 ans tu es éducateur sportif à Sarcelles, là où tu as grandi. Est-ce important pour toi d’être revenu là où tout a commencé, et d’aider les jeunes au travers de ton expérience personnelle ?
Sportivement parlant tout a commencé à Montreuil, mais ma vie avec ma mère et ma sœur a bel et bien débuté à Sarcelles. Cette ville m’a tout donné, j’ai grandi ici, je m’y suis formé même si je l’ai quitté jeune. Elle m’a tout offert en terme d’opportunité. C’était normal d’y revenir et de rendre aux enfants ce que cette même ville m’a offert étant jeune, et de leur faire ouvrir les yeux sur la situation dans laquelle ils sont, et de leur faire découvrir leur potentiel. Etre éducateur sportif c’est pas un métier facile mais très riche d’enseignement. De plus ma vie et ma carrière sont comme un message. Des valeurs fortes, humaines, ont guidé mes choix et ma vie au quotidien. C’est important de le faire comprendre aux enfants, c’est la chose que je souhaite partager avec eux pour qu’ils aillent de l’avant. C’est un devoir que de le faire…

Certains observateurs pensent encore aujourd’hui que tu avais tout pour aller en NBA, si et seulement si… Nourris-tu des regrets ?
Des regrets, j’en ai jamais… Je l’ai appris de ma mère qui m’a toujours dit de faire les choses à fond pour n’avoir aucun regret plus tard, et aujourd’hui je n’en ai aucun.

Est-ce que j’avais le niveau NBA ?.. Bien sur que je l’avais, quand j’étais aux Etats-Unis, parmi des millions de joueurs, je faisais partie du top 100, et à mon poste j’étais classé dans le top 10 avec des joueurs comme Dejaun Wagner, Eddy Curry, Darius Miles, Zach Randolph, Kwame Brown, Gerald Wallace, Deshaun Stevenson… Reporté à l’échelle du basket français c’était juste phénoménal ! Dans un pays où on ne donne rien, qui est la référence du basket mondial, j’ai fait partie à un moment des meilleures joueurs. Je n’ai effectivement pas joué en NBA mais je sais très bien que j’avais bien le niveau. En effet, j’ai fait un choix qui m’a écarté de ce chemin par amour pour ma mère, mais nourrir des regrets serait tout de même idiot…

Dans toutes les situations que tu as connues, tu es toujours allé de l’avant, quel conseil pourrais-tu donner à un sportif pro ?
Le milieu professionnel n’est pas facile pour tout le monde, il y a ceux qui jouent et qui le méritent, et ceux qui jouent pas et qui le mériteraient. C’est un choix de coach et d’entraîneurs que l’on doit accepter. Jouer en pro c’est un métier et dans la vie, il arrive parfois que l’on ne soit pas toujours heureux dans son métier. Donc si vous le prenez comme un métier, travaillez dur et tenez du mieux que vous pouvez, si vous le prenez comme une passion il aura toujours un niveau où vous pourrez jouer, vous exprimer sans être brimé. Mon conseil, n’abandonnez jamais vos rêves, ne laissez pas les gens rentrer dans vos têtes. Je pense que le travail paie toujours, mais il y a toujours des complications, faire les bons choix n’est pas si simple.

Tu possèdes une collection de paires signées par les meilleurs joueurs de la planète. Quelle paire a le plus de valeur pour toi ?
En fait, il y en a plusieurs, notamment celle de Mickael Pietrus qui est comme un frère pour moi, celle de Claude Makélélé, de Thierry Zig, Nicolas Anelka, Zinedine Zidane ce sont des gens dont je peux vraiment parler que je connais personnellement, dont je suis proche. C’est donc pour ça que j’accorde plus de respect et de valeur à ceux dont je connais la véritable histoire. Cependant d’autres paires signées trouvent grâce à mes yeux comme celles de Ronaldo, Roberto Carlos, Kobe Bryant, Dwight Howard, Chris bosh , Allen Iverson, Derek Anderson, Kevin Garnett. C’est une fierté d’avoir ces paires de professionnels dont j’admire la carrière. Je suis un collectionneur qui possède environ 180 paires que je porte pour marcher ou pour jouer et une trentaine de paires collectors que je ne porte pas..

Mais une paire manque à ma collection… c’est celle de Joakim Noah qui est pour moi le futur flambeau du basket français même si on le dit pas… Il fait les choses avec cœur et il se bat ! C’est incroyable de voir ce qu’il est capable d’accomplir sur un terrain de basket.

Le mot de la fin ?
La vie n’est pas facile mais il faut savoir l’accepter, tout est possible, mais il faut le vouloir. Grâce à ma mère j’ ai réalisé ce que je voulais et je pense que chacun d’entre nous on a cette possibilité de réaliser ses rêves, mais il faut savoir ce qu’est vraiment la réussite… Il arrive que l’on ait réussi mais on ne le constate pas toujours, on voudrait alors ce que l’autre possède, alors que la réussite nous l’avons déjà dans nos mains depuis un certains temps. Il faut savoir ouvrir ses yeux et son cœur pour accepter sa propre réussiste…

S.A

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