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Fred Ebami de la sneakers au graphic art…

Bonjour, Fred présente en quelques mots ?
Bonjour je m’appelle Fred Ebami né en France d’origine Camerounaise, j’ai grandi dans le 92 à Villeneuve la Garenne. A un moment de ma vie j’ai véçu au Cameroun puis j’ai poursuivi mes études supérieures en France et depuis je vis entre Londres et Paris.

Comment définirais-tu ton travail ?
Je me définis comme pop artiste, c’est un mouvement qui m’a beaucoup influencé. Mes grands influenceurs furent Warhol, Basquiat, Lichtenstein et j’adore Van Gogh, son travail se retrouve beaucoup dans mes prints. Je me considère comme quelqu’un qui fait du print, c’est en quelque sorte « faire son art sur du papier à l’aide de l’ordinateur. » La raison pour laquelle je me suis retrouvé à faire cela est très simple. Gamin, je passais mon temps à dessiner et quand je passais devant les affiches de cinéma j’étais comme transporté dans un autre monde et je me suis rendu compte un jour que ce n’était pas seulement des photos qui étaient utilisées pour ces affiches mais aussi une forme de print. Et je me suis promis que le jour où je pourrais faire ça je serais un homme heureux…

Grâce au print tu mélanges plusieurs disciplines, quelle est ta discipline de prédilection ?
C’est le dessin, je dessine depuis que je suis tout petit, puis j’ai laissé tomber le dessin quand j’ai rencontré l’ordinateur.

Quelle fût ta première rencontre avec l’art ?
En finissant mes études de lettres en France, je ne savais pas quoi faire, je voulais être traducteur à l’origine mais c’était compliqué et à cette époque je n’avais aucune patience il ne fallait tout et tout de suite. Je suis donc parti en Angleterre, et de rencontres en rencontres, je me suis retrouvé grâce à mon book, et sans avoir passé le concours d’entrée, à assister à un cours de graphic design à Oxford College. J’ai reçu le soutien de mon professeur principal que mon talent semblait intriguer. Et là, ça a été le déclic pour moi. J’ai été initié à l’ordinateur, à Photoshop, Illustrator, Quark, et à l’histoire de l’art. J’ai reçu un enseignement de qualité. Une phrase dite par un professeur durant mon cursus allait beaucoup me marquer : « Si tu veux que les gens acceptent ce que tu fais, il faut que ton produit soit fini, et pour ça il faut passer par l’ordinateur car le dessiner ne suffira pas ». J’ai suivi ce conseil… A la base mon style de dessin est fait de gribouillages. La saleté est une métaphore de la vie qui n’est pas toujours nette, propre, il y a des hauts comme des bas. J’adore représenter ça dans mon travail ce petit coup de rature de crayon, ce trait qu’on a raté. Pour moi le print c’est l’alliance entre le propre, le fini, et l’industriel qu’on peut vendre directement et ma main qui peut intervenir sur le coté manuelle et justement salir ce coté aseptisé, propre.

Ou puises-tu ton inspiration quand tu travailles ?
Je dirais que c’est le monde qui m’inspire en général, quand je me réveille je regarde les les news et si une information me brusque ou me choque, j’ai tout de suite envie de la représenter par un print. Pendant un bon moment, j’ai été secoué par le concept de l’enfant soldat. L’enfant soldat en tant qu’enfant est pour moi l’être le plus fort et le plus faible j’ai réalisé plusieurs oeuvres sur cette thématique. Cependant mon inspiration peut venir lors de banales conversations, il suffit d’un mot qui provoque ce déclic en moi. Il m’arrive souvent de ne pas pouvoir dormir tellement j’ai des idées en tête, je me réveille pour les noter afin de ne pas les oublier.

Si tu devais expliquer ton travail à un néophyte…
J’aimerais qu’il se dise « ah… j’ avais pas pensé », « j’ai pensé mais j’ai oublié… ». Ce que j’essaie de mettre en lumière dans mon travail est ce que la société a pris pour acquis. J’ai dû faire un travail sur moi-même pour en arriver là, rentrer à l’intérieur de moi même pour me voir tel que je suis avec mes qualités et mes défauts. Cela m’a donné la chance de pouvoir ressortir mes tripes dans ce que je fais et de l’assumer. Il m’arrive d’utiliser des visuels choquants ou blasphématoires pour certains, mais tout ceci concourt à initier un dialogue avec l’autre.

En parlant de visuels choquants, ne trouves-tu pas que l’on est inondé de pollutions visuelles ? Assez souvent on ne fait même plus l’effort d’aller chercher ou de comprendre ce qu’il y a derrière ?
Je suis à 100% d’accord avec ça et c’est même pour cette raison que je fais ce que je fais aujourd’hui. Pour moi le plus important ce n’est même plus le visuel en tant que tel, mais c’est ce qu’il y a derrière. Mon kiff serait de voir un jeune analyser, décoder une image en décortiquant les différentes strates d’informations que peuvent contenir un seul visuel. Pour moi quand je fais appel à des images choquantes, c’est pour ramener du positif, pacifier, provoquer une prise de conscience. On vit dans une société d’images où l’on nous abreuve d’images que l’on n’a pas forcément choisies, mais celles que la société veut nous faire accepter. Et le seul fait d’être robotisé à ce point laisse en suspens les messages qui pourraient réveiller nos consciences de manière positive. Quand je regarde la télé, on parle de banque, d’assurance, de malbouffe, que des choses qui nous dirigent vers une consommation acharnée de services. Tout est fait pour nous empêcher de penser par nous-même ou bien de se révolter.

De nos jours, on utilise beaucoup l’ordinateur et des logiciels comme Photoshop de manière abusive, ne trouves-tu pas que cela a pour effet d’entraîner une certaine distorsion du réel, ne sommes nous pas devenus des consommateurs passifs du réel ?
Je trouve que le travail avec l’ordinateur peut être positif et à la fois négatif. Je prend l’exemple du gamin qui recherche tout sur sa tablette tactile et qui délaisse d’autres supports comme les livres, le travail manuel, les instruments de musiques. C’est pour moi le coté négatif. J’utilise l’ordinateur comme support pour accélérer mon processus de création, dès que j’ ai une idée, je veux la voir concrétisée rapidement, la machine m’aide à arriver à ce point là. Car si j’étais resté au dessin au crayon … les gens prêteraient plus attention au style et à la technique qu’à l’image en tant que telle.

Es-tu un fan de sneaker ?
Je suis effectivement un très grand fan de sneaker, ma première paire fut une Adidas Zébra dans les années 80 quand j’étais gamin. J’aimais beaucoup les Nike mais c’était à cette époque hors de prix pour nos parents. Je me rappelle une anecdote concernant ma paire d’Adidas Zébra. A la base la paire que je convoitais était une Adidas Tobacco en daim marron qu’on appelait la Adidas des toxicos car beaucoup de toxicomanes la portaient. Au final mon frère et moi avons hérité de la Zébra qui en plus à ce Moment-là était la paire du moment. Impossible pour moi d’oublier ce moment.

En tant qu’artiste, comment expliques-tu l’engouement pour la sneaker aujourd’hui, est-ce la politique des marques, ou simplement que la sneaker est un objet visuel ? D’où tiens-tu cette passion ?
Déjà par rapport au marché de la basket, je pense que les concepteurs de chez Nike et Adidas ont été stratégiquement très intelligents, je m’explique… Le style a commencé dans la rue, des films comme Break street en 1984 en sont la meilleure illustration. On était déjà des fans de sport, et les JO de Los Angeles cette même année avec Carl Lewis, et un peu plus tard la déferlante Michael Jordan ont fait que l’on a tous voulu ressembler à ces sportifs et porter leurs marques. Mais bien sur tout cela était hors de prix. Cependant ça a marqué toute une génération parce que même si on n’avait pas l’argent, on arrivait à avoir au moins un élément de leur panoplie pour leur ressembler et avoir du style. La basket à ce moment était mon instrument, mon uniforme et c’était devenu quelque chose d’indispensable qui reflétait la personne que j’étais. C’était aussi un élément de confort qui me procurait une allure. Qui ne se souvient pas être rentré dans une salle de classe, et avoir vu tous ses camarades regarder les nouvelles chaussures qu’on avait aux pieds… Ce n’était pas de la mode mais de la reconnaissance, et tu étais accepté dans le groupe juste parce que tu portais la dernière pompe du moment, ou que tu avais une pompe stylée.

De nos jours la hype a remplacé en partie l’amour véritable de la sneaker, je vais prendre l’exemple de Jordan car j’ai grandi avec le mythe de la chaussure bijou, je trouve que 80% des jeunes d’aujourd’hui ne comprennent pas ce qu’ils portent aux pieds. J’ai véçu cette époque dorée de Jordan dans les années 90, je connais la valeur et l’héritage d’avoir une Jordan. J’ai vu comment un sportif a révolutionné le marché de la basket et je pense que c’est important encore aujourd’hui de donner aussi une identité à ses pieds et de ne pas juste être comme de simples moutons de Panurge.

Quelle est ta basket préferée ?
Oh oui… Ma basket préférée est la Jordan VI Infrared, cette paire je l’ai toujours voulue, depuis très jeune mais faute d’argent je ne l’ai jamais eue aux pieds à l’époque. Mais en 2010 quand le modèle est ressorti pour sa seconde réédition, je me suis fait un devoir de l’acheter au nom de tout ce que cette paire m’avait fait vivre comme frustration, mais aussi de bonheur en repensant à ma vie de banlieusard. En l’ayant aux pieds, j avais l’impression que la boucle était bouclée d’une certaine manière, j’étais empreint de nostalgie et de sentiments contradictoires, voilà le genre d’émotion que m’a procuré l’achat de ce modèle… Aux antipodes de la consommation effrénée d’aujourd’hui !

Le mot de la fin ???
Pour moi mon univers découle d’un rêve, j’ai toujours rêvé d’avoir la pompe de mes rêves, comme j’ai rêvé d’exposer…Tout se réalise. Croyez en vos rêves, car rien n’est impossible… Regardez, j’ai finalement eu ma Jordan VI Infrared.

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S.A

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